L’intelligence artificielle : un progrès technologique au prix de l’environnement ?

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    Dans un entretien exclusif pour son podcast « La Mentalité Verte », Alex Tyrrell, chef du Parti vert du Québec, s’est entretenu avec le Dr Shaolei Ren, expert en informatique durable et professeur associé en génie électrique et informatique à l’Université de Californie à Riverside. Le sujet de leur discussion : l’impact environnemental de l’intelligence artificielle (IA), notamment sa consommation d’énergie et d’eau.

    L’IA, une technologie énergivore

    Le Dr Ren a expliqué que les modèles d’IA avancés, comme ChatGPT, nécessitent une puissance de calcul massive. Ces modèles sont entraînés et hébergés dans des centres de données qui fonctionnent avec des milliers de processeurs graphiques (GPU) et de serveurs. Cette infrastructure informatique génère une quantité importante de chaleur, ce qui nécessite des systèmes de refroidissement sophistiqués.

    Cette consommation énergétique pose des défis environnementaux majeurs. Par exemple, l’entraînement d’un modèle d’IA de grande taille peut générer une empreinte carbone équivalente à celle de plusieurs voitures sur toute leur durée de vie. De plus, les grandes entreprises technologiques, telles que Google et Microsoft, exploitent des fermes de serveurs qui utilisent des quantités d’énergie comparables à celles de villes entières.

    L’eau, un élément clé du refroidissement des centres de données

    Outre l’énergie, l’IA a un impact considérable sur les ressources en eau. Les centres de données utilisent de l’eau pour refroidir les serveurs, en particulier à travers des systèmes d’évaporation et des tours de refroidissement. En moyenne, une seule requête complexe sur ChatGPT peut entraîner la consommation de plusieurs millilitres d’eau douce. Multipliez cela par des millions d’utilisateurs quotidiens, et l’on obtient un impact hydrique non négligeable.

    Le Dr Ren a souligné que dans certaines régions du monde où l’eau est une ressource limitée, l’implantation de centres de données peut exacerber les tensions hydriques locales. En Europe, certaines législations commencent à imposer des mesures de transparence aux géants du numérique pour quantifier et limiter leur consommation d’eau et d’énergie.

    Des solutions émergentes pour une IA plus durable

    Pour contrer ces défis, des solutions émergent. Parmi elles, l’optimisation des algorithmes pour réduire la puissance de calcul nécessaire, l’utilisation de systèmes de refroidissement alternatifs (comme le refroidissement par immersion dans des liquides spéciaux) ou encore le recyclage de la chaleur produite par les serveurs.

    Le Dr Ren a cité l’exemple de certains centres de données en Europe qui récupèrent la chaleur dégagée pour chauffer des bâtiments publics, notamment des piscines municipales, comme cela a été fait lors des Jeux olympiques de Paris. Au Québec, un projet similaire a été lancé sur la rive sud de Québec, bien que son efficacité et son application à grande échelle restent incertaines.

    L’impact des réglementations et la nécessité d’une approche globale

    L’Union européenne impose déjà des règles exigeant une transparence accrue sur la consommation énergétique et hydrique des centres de données. Toutefois, en Amérique du Nord, la régulation reste limitée. Aux États-Unis, une tentative de loi fédérale pour encadrer l’impact environnemental des centres de données a été bloquée, et en Californie, plusieurs propositions de loi sont actuellement en discussion.

    Le Dr Ren a insisté sur la nécessité d’une approche globale et coordonnée pour atténuer l’impact environnemental de l’IA, tout en permettant à cette technologie de continuer à se développer. « L’IA peut être une force positive si elle est utilisée avec précaution et responsabilité », a-t-il conclu.

    Cette conversation soulève des questions essentielles pour l’avenir du numérique et de l’environnement, appelant à une réflexion collective sur la manière dont nous souhaitons intégrer l’intelligence artificielle dans un monde durable.